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Sausage Party : Bouff’land – critique d’un festin trash sur Amazon

Par Mathieu Jaborska
12 juillet 2024

La fête à la saucisse continue pour Seth Rogen et sa bande. Huit ans après un film d’animation qui a outré les bonnes personnes, ils offrent un épilogue à leurs aliments libidineux sur – comble de l’ironie – Amazon Prime Video. Sausage Party : Foodtopia (Sausage Party : Bouff’land en VF) récupère le casting de son estimé ainé (Rogen, Kristen Wiig, Michael Cera, Edward Norton…), ainsi que son humour pour le moins… savoureux. Bon appétit !

Sausage party : Foodtopia - critique

Dans la sauce

Pour rappel, le génial Sausage Party racontait la naissance d’une conscience de classe dans des étalages dévots, mettait en scène une révolte iconoclaste sanglante et réconciliait le Moyen-Orient dans une joyeuse partouze générale. Une débauche de liberté et d’amour libre qui n’a évidemment pas plu en France aux associations catholiques intégristes, lesquelles ont d’ailleurs plus été choquées par ce climax orgasmique que par le massacre qui le précède, perpétré par les « dieux » de cet univers, à savoir les humains.

Logiquement, la série reprend là où le film s’était arrêté : nos divers aliments se livrent dès le premier épisode à une des orgies dont ils ont le secret. Et pourquoi se retenir ? Ils sont enfin libres, libérés du joug des humains. Un autre grand moment d’harmonie sexuelle qui ne va cependant pas durer. Livrés à eux-mêmes, les produits de consommation vont vite devoir s’organiser en société, adopter une monnaie et se vouer à un nouveau dieu : le libéralisme.

La grande bouffe

Soudainement, les fluides corporels se tarissent, les murs s’érigent entre les différents appendices comestibles et les inégalités se creusent. Évidemment, Seth Rogen et ses co-scénaristes s’en tiennent à la recette de Sausage Party : une bonne louche d’humour régressif, une cuillère à soupe de jeux de mots gastronomiques et surtout une très grosse dose de satire sociale.

Dans la foodtopia, anciens et nouveaux personnages tentent de concevoir une société idéale et speedrunnent les erreurs des sociétés occidentales modernes. Les partisans du vivre-ensemble se déchirent pour le plus grand plaisir des riches cupides, le « chacun pour soi » est érigé au rang de valeur, les guignols télévisuels en quête de buzz sont arrosés par de puissants magnats pour salir leurs adversaires. Certes, la critique est américaine, mais il faut reconnaître que la série tombe à point nommé chez nous.

Quelle ironie que Cyril Ananas ait participé à la VF du premier film…

Sausage Partie

Bien entendu, elle reste dans l’ombre du coup de génie du premier film. Foodtopia entreprend surtout de s’appuyer sur ses meilleures idées (ses fondements, au propre comme au figuré) pour développer une sorte de Ferme des animaux capitaliste et trash. Les humains restent toutefois vaguement dans l’équation, l’un d’entre eux se retrouvant d’ailleurs dans la séquence la plus gratinée de la saison, carrément annoncée par un carton d’avertissement.

Pour le reste, il s’agit d’une friandise supplémentaire. Certes, l’animation et la direction artistique ne sont pas exactement flamboyantes, mais il faut se rappeler que le long-métrage n’avait à sa disposition que 19 millions de dollars, très loin des mastodontes de l’animation populaire qu’il souhaitait salir. Il avait d’ailleurs plus que largement rentabilisé son budget. Il va sans dire que sur 8 épisodes, la série ne pouvait pas faire des miracles (et espérons que sa production ne se soit pas déroulée dans le même climat). Ce qu’elle ne peut accomplir sur le plan technique, elle le réinvestit dans des idées comiques aussi bêtes que bien dosées.

Quand on connait l’autre manière d’utiliser ce trou, cette scène prend une autre dimension

Pour qui a ri devant la crétinerie régressive du film original, les trouvailles comiques et les calembours des scénaristes amusent encore (mention spéciale au running gag de l’Ice Tea, qui parle comme… Ice-T), d’autant qu’ils ont su s’adapter au rythme si particulier du format TV 20 minutes. Mieux encore : ils n’hésitent pas à tacler les incohérences évidentes de leur propre univers pour appuyer son hilarante stupidité… et en rajouter une couche dans la satire. Si la vie d’une bouteille d’eau vient plus de la bouteille que de l’eau, c’est bien parce que la bouffe de supermarché n’est qu’un amas d’emballages.

Kill all humans !

Orange man bad

La migration sur Amazon n’a donc pas vraiment bridé l’imagination puérile de Rogen et ses sbires, lesquels, pour appuyer leur démonstration, n’hésitent pas à replonger dans un humour archi-noir. Bien que les humains les plus cruels ne soient plus là pour étriper leurs victimes, la hiérarchisation sociale s’en charge pour eux. Au point de provoquer des gags oscillant volontairement entre l’horreur et l’humour (on pense à une séquence qui marche sur des œufs).

Alors bien sûr, Foodtopia ne se démarque pas par sa subtilité, croquant grossièrement les pôles médiatiques et politiques, ainsi qu’une montée du populisme caractéristique. Mais c’est justement en se débarrassant des pincettes qu’elle trouve sa force, envoyant dans la tronche de ses spectateurs-consommateurs l’absurdité de la fièvre randienne qui saisit à nouveau l’imaginaire populaire américain (et français), ainsi que l’échec d’un modèle qui n’a jamais fait ses preuves. Elle s’assure bien qu’ils se moquent avec elle du parallèle avec un monde de toute manière déjà au bord de la parodie, comme en témoignent les personnages humains.

Il a un grain, lui

Plutôt que de se répandre en nuances, cette série dérivée enfonce un peu plus le clou à chaque épisode, maniant la métaphore anale comme un contrepoint à la « vertu de l’égoïsme » promue par l’orange trumpiste. En fin de compte, elle a beau ne pas se hisser à la hauteur de son prédécesseur, il faut lui reconnaître une envie de pousser sa satire basse du front au bout de ses possibilités, et ce jusqu’à une fin plus courageuse que beaucoup de ses homologues supposément plus nobles. Sausage party : Foodtopia refuse le happy end optimiste au profit d’un aveu de misanthropie fort à propos, qui devrait cependant satisfaire pour une fois les associations Promouvoir et associés.

Sausage Party : Bouff’land est disponible sur Amazon Prime Video depuis le 11 juillet.

Affiche Sausage Party: Bouffland
Rédacteurs :
Résumé

Un modeste épilogue, tout aussi rentre-dedans, moqueur et malin que le film. Pas au niveau du plat de résistance, mais ça reste un copieux dessert.

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Commentaires
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Joey Joe Joe Jr Shabadoo

Cyril ananas a effectivement doublé le premier. Je pense que c’est ce qui me choque le plus sur ce film.

Vulv

Périmé